L’abeille noire d’Ouessant, récit de sa réinstallation
En 1978, Georges Hellequin, apiculteur amateur, réintroduit deux ruches sur Ouessant, ruches qui avaient complètement disparu de l’île. Dix ans plus tard, devant les attaques massives de varroa (acarien provoquant une sévère mortalité des abeilles), d’autres apiculteurs décident de mettre des ruches à l’abri sur l’île. En effet, la vingtaine de kilomètres qui sépare l’île du continent n’est pas franchissable par les abeilles, et donc par les acariens qu’elles hébergent. Les abeilles importées font partie de l’écotype breton, originaire des monts d’Arrée, des Abers et des Montagnes Noires. Non hybride, exempte de tous virus et bactérie, l’abeille d’Ouessant devient une race témoin. Elle sert de référence européenne, d’un cas d’étude pour la conservation de l’espèce dans son ensemble.
Une championne
Puissante, résistante et de grande taille, l’abeille bretonne peut compter sur de robustes muscles thoraciques pour assurer le transport de grosses quantités de pollen, pour travailler dans le vent et sous des pluies battantes. Elle dispose d’une résistance hivernale extraordinaire : quand 30 % des individus d’une ruche traditionnelle disparaît dans l’hiver, les abeilles d’Ouessant ne sont que 3 % à succomber. A la belle saison, sa distance de vol est trois fois plus élevée que toutes les autres abeilles. Si l’abeille d’Ouessant dispose d’un caractère calme sur les îles, elle devient plus agressive sur le continent.
A la conquête du continent européen
Les qualités sanitaires et physiologiques de l’abeille noire, non hybridée, la conduisent partout en Europe pour étudier sa résistance dans d’autres milieux. Elle sert ainsi de sujet témoin dans des expérimentations pour la sauvegarde de l’espèce. La préservation des abeilles apparaît d’autant plus cruciale lorsqu’on connaît l’ampleur de leur déclin et leur rôle dans la pollinisation. Les hyménoptères (frelons, guêpes, abeilles …) pollinisent 80 % des espèces végétales. Ils participent à 75 % des rendements agricoles. Une abeille plus résistante aux maladies, aux parasites, plus robuste, capable de s’adapter au changement climatique, apparaît comme une alliée de poids pour enrayer le déclin de la biodiversité. Sachant que, in fine, nos ressources alimentaires en dépendent également.
Espèce qui a failli disparaître, nombreux services rendus à l’environnement, même couleur, décidément abeilles et moutons d’Ouessant ont bien des points communs ! Deux exemples militant pour la préservation de la biodiversité animale et montrant l’importance des zones naturelles, insulaires notamment, pour la conservation d’espèces à l’échelle mondiale.