Fleuron de l’industrie automobile américaine au début du XXe siècle, Détroit décline à partir des années 50. La ville perd plus de la moitié de sa population entre 1960 et 2010. Détroit comptait 1,8 millions d’habitants en 1960 et moins de 700 000 en 2016. Chômage et pauvreté explosent durant ces décennies. Face à cette crise les habitants multiplient les expérimentations d’agriculture urbaine.
Quartiers vides, désert alimentaire
Les friches représentent un tiers de la ville de Détroit. Dans certains secteurs abandonnés par les habitants, mais également par les commerces, il devient difficile de se procurer de la nourriture saine. Ce phénomène est lié à la disparition des épiceries et à l’apparition de fast food : la nourriture est peu chère mais de mauvaise qualité. Conséquence de ces desert food : obésité et diabète explosent dans les quartiers pauvres désertés. L’agriculture urbaine se présente alors comme une opportunité pour faire face à ces problèmes de santé et d’alimentation. Les habitants investissent les espaces abandonnés pour y implanter des jardins collectifs, des fermes urbaines communautaires … 1600 structures de ce type existent désormais à Détroit. Y sont associés des soupes populaires et des programmes sociaux d’alimentation, qui permettent à la population pauvre de se nourrir sainement, gratuitement ou à très bas prix.
Une agriculture urbaine ancrée dans une longue histoire
L’histoire de l’agriculture urbaine de Détroit remonte à la fin du XIXe siècle. Le maire, confronté à une dépression économique, lance les « Potato Patches » : les terrains en friche sont systématiquement mis en culture pour venir en aide aux plus pauvres. En 1931, toujours pour accompagner des difficultés économiques, des jardins sont mis à la disposition des habitants pour cultiver leurs légumes. On retrouve dans ces deux exemples les formes d’agriculture urbaine actuelles de Détroit. La première expérience consistait à utiliser des terres pour redistribuer la nourriture. La seconde expérience proposait aux habitants de produire eux-même. L’histoire agricole de Détroit trouve également son origine dans l’arrivée de nombreux afro-américains. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, ils quittent en nombre les états du sud pour s’installer dans le nord des États-Unis. Ces populations émigrent pour fuir les persécutions et la ségrégation. D’origine rurale, elles apportent leur savoir-faire en terme de production alimentaire.
Un modèle qui a ses limites
L’agriculture urbaine, à elle seule, ne sauvera pas Détroit : la ville perd encore des habitants. Son renouveau économique passera nécessairement par l’installation de nouvelles entreprises. De même, les quantités de nourriture produites restent minimes, quelques centaines de tonnes par an, quand des villes des pays du Sud produisent plusieurs centaine de milliers de tonnes … L’intérêt de l’expérience réside peut-être ailleurs. Elle présente un retour massif de la production alimentaire dans une ville occidentale et c’est sans doute la clef de la notoriété de l’agriculture urbaine « made in Détroit ». La solidarité du modèle, l’apport aux plus pauvres d’une nourriture saine, son rôle de transformation sociale sont à souligner et peuvent nous inspirer. L’agriculture urbaine ne nourrira pas les villes, mais peut contribuer à modeler nos cités de manière plus durable et solidaire.