Sur l’île d’Ouessant, les moutons auraient été sélectionnés pour leur couleur noire, afin de permettre aux femmes de marin de confectionner leur habit de deuil si leurs maris ne rentraient pas au port … Des légendes évoquant la laine se retrouvent dans quasiment toutes les régions françaises. La Belle au bois dormant s’endort en se piquant au fuseau d’un métier à tisser. Ces contes et légendes montrent l’importance de la laine dans notre société, avant l’arrivée des textiles synthétiques. Des passionnés tentent toutefois de faire revivre la filière laine française …
Petite histoire de la laine …
Des milliers d’années de sélection des moutons à poils longs ont permis d’obtenir l’animal que l’on connaît actuellement. Rappelons que le mouton est une « création humaine » puisqu’il n’existe pas en tant que tel dans la nature. Le mouflon sauvage, dont serait issu le mouton, possède en effet des poils courts, inutilisables pour faire des tissus. Le premier tissu en laine date de 10 000 ans et a été retrouvé en Judée. Longtemps, la laine a constitué le principal revenu des éleveurs, avant la viande ou le lait. Durant l’antiquité et le moyen-age, elle représentait la principale source de fibre textile, devant le lin, le chanvre ou encore la soie, réservée à une élite.
L’effondrement de la filière laine
Du XIXe siècle aux années 1970, Roubaix fait partie des trois capitales mondiales de la production lainière, avec Bradford en Angleterre et Verviers en Belgique.
La progressive disparition de cette industrie lainière tient à la concurrence, à partir des années 50, des textiles synthétiques. Moins chers, plus légers, ces tissus répondent aux attentes des consommateurs. La filière souffrira également d’investissements insuffisants pour moderniser les usines. La concentration de la fabrication dans des usines géantes, impossibles à rénover et moderniser, est également avancée comme cause du déclin. En 2013, 11 900 personnes travaillent dans le textile dans le nord, contre 171 000 en 1954. La fin de la filière impacte les bergers : de l’élevage des moutons pour la laine, on bascule après les années 50, à une production principalement destinée à la viande et pour une part moins importante, pour le lait. Aujourd’hui, tondre un mouton coûte plus cher que ce que rapporte la laine … lorsqu’elle n’est pas jetée !
Une nouvelle filière laine ?
Pionnière, la coopérative Ardelaine est lancée en 1982. Dans une région désertifiée, l’Ardèche, cette structure a relancé la filière laine dans son ensemble. La structure gère ainsi le cardage, la filature et la confection. Un nouveau débouché s’offre alors aux éleveurs de moutons locaux : avant Ardelaine, la laine était jetée !
Plus récemment, en 2015, les éleveurs de brebis de race Raïole s’organisent pour relancer une filière laine dans les Cévennes. Raïolaine est ainsi créée et permet de valoriser la laine en utilisant les savoirs-faire locaux. Les toisons sont d’abord envoyées en Haute-Loire, dans la dernière entreprise de lavage de laine française. Cette entreprise, Laurent Laine, transforme également une partie de la laine en nappes, couettes ou oreillers. L’entreprise est également associée à une structure d’insertion, l’Atelier de la Bruyère, qui transforme la laine en feutre.
Bien d’autres exemples montrent un renouveau de la laine en France. Dans les Alpes-Maritimes, les éleveurs se sont regroupés pour transformer leur laine en tapis. En région Paca et Rhône-Alpes, l’association Mérilainos transforme les toisons en pelotes de laine distribuée en vente directe par les producteurs. En Ariège, Laines Paysannes, transforment la matière issue d’une quinzaine d’élevages ariégeois pour en faire écharpes, bonnets, sweats, pulls, tapis … Plus localement, la coopérative agricole « Les Toisons Bretonnes » basée à la Chapelle-sur-Erdre près de Nantes, valorise la laine de moutons originaires de Bretagne (races « Landes de Bretagne » et « Belle-Île »). La laine, issue d’une quinzaine d’élevages locaux, est envoyée au lavage en Haute-Loire puis transformée dans la Creuse. La coopérative en assure ensuite la commercialisation.
Le nombre d’emplois créés par ces filières en renaissance ne peut bien sûr soutenir la comparaison avec ce que fut autrefois la filière laine en France et ses centaines de milliers d’emplois. Toutefois, entre préoccupations environnementales et réflexions sociales, ces filières courtes, socialement responsables, trouvent petit à petit un public en attente de produits locaux, écologiques et renouvelables.